La fugue

A l’époque, au milieu des années 60, le C.O.P.E.S. (Centre Public d’éducation Surveillée)
de Savigny-sur-Orge comprenait 10 groupes de 18 garçons de 16 à 18 ans,
soit en permanence, 180 garçons dans l’établissement.

Ajoutez-y le groupe d’accueil (12 places), passage obligé pour tous les nouveaux arrivants quotidiens.

Un chef de service éducatif assurait la responsabilité de deux groupes. Au sein de chacun de chacun de ces groupes officiaient 3 éducateurs, voire 4 dans les périodes fastes.

Les garçons suivaient une activité d’observation scolaire et sportive, et bénéficiaient d’une découverte et dune observation professionnelles dans des ateliers traditionnels animés par des professeurs techniques devenus, depuis, des P.T.E.P.

L’ensemble des pensionnaires était vêtu du même uniforme bleu marine pour la vie de groupe et d’un bleu de travail dans les ateliers.

Chaque encadrant assurait sa part de stricte discipline, dans son domaine de compétence, et pouvait compter sur l’aide et le contrôle d’un Surveillant Général auquel il fallait rendre compte des indisciplines les plus criantes, mais surtout des fugues qui devaient être la préoccupation constante des divers intervenants. Malheur à celui qui ne les signalait pas dans les plus brefs délais : il faisait alors l’objet d’un questionnaire circonstancié inscrit à son dossier professionnel, voire d’une admonestation solennelle pour défaut de surveillance.

C’était un jour de semaine comme un autre. Un professeur technique signale 2 fugues de l’atelier au surveillant général.

Selon l’usage bien rôdé, ce dernier se précipite dans sa voiture et part à la « chasse aux fugueurs ».

A quelques centaines de mètres du COPES, il aperçoit deux garçons en bleu de travail qui déambulent sur un trottoir. Il se précipite auprès d’eux, sort de son véhicule dont il ouvre le coffre. Il les empoigne tous les deux, et sans autre forme de procès, les précipite manu militari dans le coffre dont il referme prestement le haillon.

Séance tenante, il rentre à l’établissement où il arrive, fier du travail accompli et d’une poursuite rondement menée avec succès. Je n’étais pas présent à son retour, mais j’imagine bien, chez lui, un sourire de supériorité et de condescendance pour les observateurs présents.

Il ouvre le coffre du véhicule, en fait sortir les deux énergumènes tremblants et sidérés. On découvrira très vite qu’il s’agissait de deux élèves du Collège Technique voisin, n’ayant rien à voir avec la « ferme de Champagne » et ses pensionnaires…. Quant aux deux fugueurs, ils avaient réussi leur escapade !!

Jacques COUBE