Je me souviens de Liz.
Liz flottait dans son corps.
Liz était encombrée par ce corps, par ses formes.
Liz était étrangère à elle-même.
Alors, Liz maltraitait son corps.
Elle SE maltraitait.
Elle l’affichait devant des inconnus,
Sans pudeur aucune.
Elle l’offrait.
Elle le proposait et l’autre disposait.
Elle le vendait.
Liz voulait devenir Cheffe d’orchestre et mener son monde à la baguette.
Mais parfois, c’est elle qu’on menait à la baguette.
Sur son corps, des traces de spermes appartenant à différents propriétaires.
Une tournante? Non un viol en réunion!
Les mots ont un sens.
Les mots sont importants.
Mal nommer les choses rajoute du malheur…
Liz ne se regardait pas, elle ne s’aimait pas.
On ne l’a pas aimée de toute façon.
On l’a abusée sexuellement.
« On » peut vraiment être un con, une ordure, un père….
Liz avait quelques mois, c’était un bébé.
Le Chili.
Elle ouvrait à peine les yeux sur le monde!
Liz était à quelques mois de sa majorité, c’était une jeune femme.
La France.
Elle était d’une très grande sensibilité!
La plaie était béante.
Les maux étaient criants.
Alors, nous ramions pour évoquer l’indicible, pour rassembler le corps et l’esprit, pour rassembler le tout.
Pour passer du corps honteux, objet des autres, au corps libéré, assumé.
Pour oser désirer.
Nous naviguions dans le sang, le sperme et les larmes.
Entre hauts le cœur et dégoût.
Et dans cette histoire sordide parfois un sourire traversait l’une d’entre nous.
Un « nous » qui offrait un espace de liberté.
Un « nous » qui formait un tout, un lien, un liant.
Une relation qui permettait la transmission, l’éducation.
Trois femmes,
Je me souviens.
Elodie ALESSANDRI GOTSZORG,
Éducatrice PJJ