Je me souviens… la « Française »
Je me souviens… la « Française »

Je me souviens… la « Française »

Je me souviens… de cette adolescente forte et décidée, brisée mais déterminée. Celle qui a émue la juge et la procureure… Celle qui est venue se confronter à ses bourreaux. 

Regard droit, face à eux. 

Elle tenait la main d’une dame… sa psychologue. Ses parents se tenaient derrière elle. Ils ne savaient pas comment ils allaient pouvoir survivre à ça !! 

Je me souviens… m’être dit que la « Française» les protégerait pour surmonter l’épreuve ici, au tribunal, et le restant de vie.

Je me souviens… de ce regard dominateur vers le box des accusés.

Cette adolescente, cette « Française » n’a pas détourné les yeux lorsque la juge a relaté les faits et les supplices que Liam, ses frères et un de leurs amis lui ont fait subir durant toute une nuit.

« La française» est restée aussi digne et forte quand son père, en plein tribunal, m’a lancé que je devrais avoir honte de faire ce métier et en me montrant du doigt, les larmes aux yeux, sa fille : « J’ai honte pour vous !». 

Puis il est parti. 

Je me souviens… qu’il a quitté la salle mais sa femme, elle, est restée, puis, elle l’a suivi quand j’ai fait état de tout le travail éducatif autour de l’acte et de la prise en compte de la victime.

« La française», « cette pute française» c’était la victime de ces quatre ados mais en réalité, durant cette semaine, nous, éducateurs de détention, de milieu ouvert, avocats, psychologue, expert psychiatre, étions les vraies victimes. 

Grand a été son courage et sa force de caractère !!  Pas un genou à terre « la française» !!! 

Ses mots, tels des « punch line » nous mettaient… chaos.

Je me souviens… la poignée de main de son père quand, elle lui a demandé de s’excuser auprès de moi. Il a pleuré devant moi. Cet homme était brisé. Ma collègue n’a pas pu retenir ses larmes. Cette jeune fille, avec son regard, cette « française » si forte m’a souri. Elle avait compris que ce travail que j’avais fait été nécessaire et important… pour l’aider, elle.

Je me souviens des larmes de la juge et de ma colère contre l’avocate de Liam, cette brave femme qui hélas n’avait rien compris à son métier.

Liam s’est excusé… mais il réfléchira encore à ses actes pendant 7 ans… il avait eu 16 ans durant cette semaine de jugement. Pas d’excuse de minorité pour son frère ainé. Il est encore incarcéré, je pense…

A la fin de cette semaine, je me souviens avoir repensé à mon quartier de Sarcelles et ce choix que j’avais fait, à la demande de mes potes médiateurs de quartiers, de venir travailler avec eux, il y a des années maintenant.

Depuis, des histoires comme celles de Liam, des victimes « françaises », des africaines, des michetonneuses et des petits dealers , des « putes » et des clodos, des histoires de « ghettos », j’en ai à revendre, en mémoire ….

Des enfants ? 

J’en suis plus sûr…

Je me souviens… m’être fait souvent la réflexion que ça colle à la peau le malheur des enfants. Ce n’est pas faute de frotter sous la douche.

Je me souviens… m’être dit que j’allais changer de peau… Bientôt…